Dans mon post précédent je vous expliquais la notion de sentier d’interprétation : en quoi est ce que ça consiste et les objectifs généraux d’un point de vue touristique.
Maintenant que vous comprenez les grandes lignes de ce genre de projet, il serait pertinent de parler un peu de la manière dont on le conçoit !
Voici donc 5 grands principes (inspirés du travail de Freeman Tilden) qui selon moi permettent de concevoir un projet de sentier d’interprétation réussi (ça marche aussi pou les expositions d'ailleurs) !
Vous êtes prêts ? :)
1 - Le visiteur - la première GRANDE question à se poser !
Ce n’est pas chose aisée. Pourtant, si vous faites un sentier c’est bien avant tout pour vos visiteurs ! Il ne s’agit pas ici d’assouvir votre curiosité et de parler de vos domaines de prédilections (bon, si on peut faire d’une pierre deux coups, on est content cela va sans dire !). Ce sentier, vous le construisez pour VOS visiteurs et dans un but très précis.
La première grande question à se poser quand on souhaite monter un projet d’interprétation est donc « à qui je m’adresse ? » et « Pourquoi un tel projet, dans quel but ? » !
La question du visiteur est essentielle car elle vous permet de définir toute la suite de votre projet.
Je vous explique.
Un exemple très simple : vous ne parlez pas de la même manière de l’importance de l’économie d’énergie à un enfant de 6 ans et à un adulte de 30 ans.
Le sujet peut être abordé avec les deux types de visiteurs, mais la façon de l’expliquer, de l’aborder, d’en faire comprendre l’ensemble des enjeux, sera radicalement différente.
2 - L’importance du fil conducteur
Pour construire un parcours d’interprétation percutant, pensez dans un premier temps au fil rouge (ou fil conducteur) du projet. Celui-ci permettra de ne pas digresser et de rester cohérent avec votre récit. C’est votre fil rouge, qui déterminera le sujet central et les sujets connexes ainsi que la manière de les aborder.
Très souvent, chaque étape d’un parcours d’interprétation est indépendante. Ce qui peut paraitre plutôt justifié car on ne sait jamais quel est le véritable point de départ du visiteur, les entrées sont souvent multiples. Il serait donc compliqué pour lui de comprendre une histoire avec un début à l’étape 1 et une fin à l’étape 10 s’il débute sa visite au milieu du parcours, à l’étape 5.
C’est comme regarder la série Westworld en zappant la saison 1… bon courage !
Cependant, si vous pensez au visiteur qui prend la visite en cours de route, pensez aussi au visiteur qui peut avoir envie qu’on lui raconte une vraie histoire ! Une histoire n’est pas forcément linéaire, elle peut avoir plusieurs portes d’entrées et de sorties ! Le parcours peut être jalonné d'une série de petites histoires successives qui se font écho entre elles par exemple. Ou bien d'un élément qui va créer du lien entre les supports et créer une histoire pour celui qui s’y intéressera mais ne sera pas parasitant pour celui qui prend la série en cours de route !
3 - L’importance du visuel (oui ça aussi c’est important !)
On retient mieux une information très visuelle plutôt qu’un long discours. Dans la mesure du possible, accompagnez les contenus écrits de schémas et d’illustrations. Il peut même être très intéressant parfois (et quand cela s’avère possible) de créer des infographies afin de rendre un contenu très visuel. Cela permet de mettre en avant des informations et d’aller à l’essentiel. Cela peut s'avérer pratique lorsqu'on a des informations très techniques ou avec beaucoup de données chiffrées par exemple.
Accordez une grande attention au design graphique des supports. Il est important d’établir une charte graphique qui permette au visiteur d’établir des repères sans pour autant entrer dans la systématisation des formats. Trop d'uniformité, tue l'uniformité... vous n'avez pas envie d'ennuyer vos visiteurs n'est-ce pas ?!
Si vous mangez des tomates tous les jours, au bout d’un certain temps la lassitude s’installe (et ça même si ce sont de succulentes tomates venant tout droit de votre potager, j’en ai fait l’expérience !), vous n'aimez plus autant les tomates et manger perd un peu de son intérêt gustatif.
Chaque étape d’un parcours est un mini projet graphique qui doit être imaginé comme faisant parti d’un tout MAIS... en fonction des contenus qu’il déploie !
4 - Créer de l’interaction
Certains sujets sont propices à l’interaction d’autres moins je suis d’accord. Cependant, il est toujours très important (oui là aussi !) de se questionner sur la création d’interaction au sein d’un parcours ou d’une exposition.
Il ne s’agit pas de créer un outil interactif juste pour mettre en action. Je ne suis pas partisane ni convaincue par les « boîtes vides » dans lesquelles on insère du contenu juste pour dire que le projet est interactif. Cela apporte rarement une expérience plus riche, et peut même avoir tendance à appauvrir une visite voire même générer du stress car l’utilisateur est plus attentif à manipuler l’outil et à comprendre comment il fonctionne plutôt que de découvrir réellement des informations.
L’interaction et l’outil doivent être pensés en fonction du contenu qu’ils dévoilent et non l’inverse. S'il n'y a pas besoin d'interaction ou que ça n'apporte rien de plus dans l'expérience de découverte ça ne sert à rien de déployer tous les moyens.
Lorsque l’interaction est pensée en fonction de son contenu, elle prend tout son sens et c’est à ce moment que l’action et le contenu se répondent. Ils sont une résonance l’un de l’autre, l’action du visiteur devient déjà une forme de contenu. Il peut facilement faire le lien entre le contenu et le contenant et de fait (et c’est là que c’est intéressant !!!!) retenir beaucoup plus facilement les informations. Il retient mieux parce qu’il est entré en action, mais aussi et surtout parce que l’action était cohérente avec le contenu à dévoiler !
5 - Ramener les sujets à du concret
Là il s’agit de toucher votre visiteur. Pour toucher votre visiteur vous devez lui parlez de lui et de son quotidien. Parlez leur de vos sujets avec des exemples concrets de leur vie quotidienne. Ainsi le visiteur peut plus facilement se projeter, comprendre le milieu qui l’entoure et y être sensible.
Enfin… (bon ok ça fait 6 principes et pas 5) Il faut savoir ne pas trop en mettre ! Vous ferez des frustrés, vous génèrerez peut être de vives discussions parce que tel sujet est abordé mais pas celui-là, ou on vous dira que vous prenez des « raccourcis »… Un sentier d’interprétation (et même une exposition) n’est pas une encyclopédie. L’objectif n’est pas de transformer vos visiteurs en expert mais bien de partager avec eux des connaissances, d’attiser leur curiosité, de les pousser à se questionner, de les sensibiliser à un sujet.
Bannissez les mots trop compliqués si vous ne les expliquez pas clairement et faites des phrases claires et courtes !
Voici donc les 5, non pardon, les 6 grands principes qui permettent selon moi de créer un parcours de visite cohérent, ludique et sensible. Un parcours dont vos visiteurs se souviendront, un parcours qui donnera envie d’en apprendre encore plus, valorisant un patrimoine et partageant des savoirs, et c’est bien là des objectifs importants lorsque l’on créé ce genre de projet !
On se retrouve la semaine prochaine, toujours autour des sentiers d’interprétation !!! D’ici là n’hésitez pas à me faire part de vos remarques sur ces 6 principes !